Amour déchu

Il fut un temps, nous étions inséparables. Mais c’est fini ; nous sommes en instance de divorce.

Les premiers temps - les quelques années qui suivirent notre rencontre - je ne voyais que leurs paillettes. J’évoluais avec aisance dans leurs rayons pleins de couleurs, si bien agencés, clairs et fonctionnels. J’aimais me plonger dans leur monde ; un monde rassurant, où chaque chose est à sa place et ou rien ne manque jamais. Un monde stable et bienveillant offrant mille et une gourmandises à la main tendue. Plus ils étaient grands, plus je m’y sentais chez moi. Les supermarchés, c’était le pied !

Mais le temps a passé. L’émerveillement des premiers temps s’est fissuré et la réalité s’est révélée moins belle que le phantasme. Les qualités sont devenues défauts insupportables. Le choix pas si réel que ça. Les rayons si droitement rangés preuves évidentes d’un manque d’humanité flagrant. Les mille et une couleurs tentatives abjectes de manipulation perverse.

Alors… je suis allée voir ailleurs. Tout à ma désillusion, je suis devenue femme infidèle et je me suis mise à papillonner d’un commerçant à l’autre, accumulant ainsi les histoires d’une seule fois.

Il y eu d’abord des supermarchés plus petits, plus humains avec un personnel un peu plus présent… mais pas vraiment plus accessible. Puis ce fut le tour de divers supermarchés bio qui sentaient bon le bois et la terre. Au milieu de leurs étalages de produits en vrac, débarrassés de tout emballage fluorescent  superflu, je me suis plongée avec délice dans une ronde d’étiquettes allégées en colorants et autres conservateurs. Presque rassasiée mais pas tout à fait, je me suis ensuite attaquée aux échoppes des petits commerçants… puis directement aux producteurs par le biais d’AMAP ou de vente à la ferme.

Mes incartades m’ont convaincue. Les supermarchés ne sont pas pour moi. Petit à petit, un achat après l’autre, j’ai quitté leur monde stable et uniforme pour un monde plus réactif, plein de surprises et de rencontres inattendues avec ses saisons, ses températures variables. Dorénavant, les odeurs de la terre ont remplacé les couleurs sur papiers glacés.

Et cette fois, c’est le bon ! Je le sens, j’en suis sûre !

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